L’IA s’impose désormais comme un sujet incontournable pour les entreprises françaises. En quelques mois, elle est passée du statut de curiosité technologique à celui de levier de transformation assumé par les directions. Mais si l’adoption progresse rapidement, les compétences et les repères managériaux, eux, peinent à suivre le rythme.
Les cadres et managers sont au cœur de cette équation : premiers utilisateurs, mais aussi garants de la diffusion de ces outils auprès de leurs équipes.

L’étude de l’APEC « Les cadres et l’IA » de juin 2025 menée auprès de 2 000 cadres et 1 000 entreprises, révèle un paradoxe : l’enthousiasme grandit, la transparence des usages s’installe, et pourtant la formation reste largement en retrait. Entre opportunité stratégique et zones d’ombre, l’IA rebat les cartes du management et appelle à une réinvention des pratiques collectives.
Au-delà du périmètre français, les études MIT-State of AI in business 2025 et BCG-AI Radar 2025 confirment cette dynamique : 75 % des dirigeants mondiaux classent l’IA et la GenAI dans leurs trois priorités stratégiques, mais seuls 25 % constatent déjà une création de valeur significative. L’écart entre ambitions et résultats souligne que la question n’est plus d’expérimenter, mais bien de transformer l’investissement en impact réel.
- Adoption de l’IA : un facteur clé de transformation du management et des modes de travail
- Les cadres en première ligne : des usages réguliers de l’IA mais un besoin de monter en compétences
- Opportunité ou menace ? Le basculement de perception des managers sur l’intelligence artificielle
- Le rôle clé des managers : sécuriser et diffuser les pratiques sur les usages de l’IA
- Former les managers à l’IA générative : un impératif stratégique pour transformer l’entreprise
- Conclusion : cadres et IA, de l’expérimentation à la transformation managériale
Adoption de l’IA : un facteur clé de transformation du management et des modes de travail
L’intelligence artificielle (IA) n’est plus une expérimentation marginale dans les organisations françaises. Elle devient progressivement un levier stratégique assumé par les directions et encouragé auprès des collaborateurs.
Selon l’étude de l’APEC, les entreprises sont de plus en plus convaincues de l’utilité des outils d’IA pour leurs collaborateurs. En mars 2025, 76% des grandes entreprises (250 salariés et plus) affirment cette utilité, soit une progression de 14 points en quelques mois, et 55% des PME partagent également cette conviction.
L’enthousiasme des grandes entreprises est particulièrement révélateur : 53% d’entre elles déclarent promouvoir ou accepter l’usage de l’IA auprès de leurs collaborateurs (46 % des PME et 41 % des TPE).
Ce bond illustre un changement culturel majeur au sein des organisations : l’IA n’est plus perçue uniquement comme une innovation technologique, mais comme un facteur clé de transformation du management et des modes de travail.
En parallèle, l’étude BCG relève qu’un tiers des entreprises investira plus de 25 M$ dans l’IA dès 2025, avec une croissance de 60 % attendue des budgets IA sur trois ans. Ce bond illustre que l’adoption ne concerne pas que la France mais s’inscrit dans une dynamique internationale, renforçant le constat de l’APEC sur le changement culturel en cours.
Le risque du shadow IA
Cette adoption plus officielle de l’intelligence artificielle ne signifie pas disparition des risques. Le shadow IA — c’est-à-dire l’usage non encadré d’outils externes par les collaborateurs — reste une réalité.
Cette pratique (Shadow IA) expose les organisations à des fuites de données sensibles, à des usages inappropriés et à des fractures entre générations. Pour les managers, la responsabilité est claire : créer un cadre de confiance, sécuriser les outils mis à disposition et accompagner les pratiques afin que l’IA profite au collectif, et non à une minorité d’individus.
L’étude MIT met en évidence que 90 % des salariés utilisent déjà des LLM de manière personnelle, alors que seulement 40 % des entreprises disposent d’abonnements officiels. Cet écart illustre la réalité du Shadow IA.
De son côté, BCG rappelle que les dirigeants citent en priorité les risques de confidentialité (66 %), de manque de contrôle des décisions (48 %) et de conformité réglementaire (44 %). Encadrer les usages devient donc un impératif autant pour protéger l’organisation que pour instaurer la confiance.
Les cadres en première ligne : des usages réguliers de l’IA mais un besoin de monter en compétences
Une progression des usages IA…
Les cadres et managers s’emparent de plus en plus des solutions d’intelligence artificielle générative (IA gen.) pour gagner du temps, optimiser, déléguer …
L’étude APEC révèle que 35 % d’entre eux utilisent l’IA au moins une fois par semaine dans leur activité professionnelle. Cette fréquence témoigne d’une intégration progressive dans les pratiques quotidiennes, qu’il s’agisse de rédaction de contenus, d’analyse de données ou encore de préparation de présentations.

La généralisation de ces pratiques rejoint les constats mondiaux : selon BCG, près de 70 % des entreprises ont formé moins d’un quart de leurs collaborateurs aux outils IA. Autrement dit, l’usage progresse beaucoup plus vite que la montée en compétences, créant un risque de décalage que les managers perçoivent déjà dans leur quotidien.
Fait intéressant, la majorité de ces usages se fait désormais en transparence avec la hiérarchie, signe d’une plus grande légitimité accordée à ces outils dans les environnements de travail. Là où, il y a encore peu de temps, certains cadres pouvaient tester l’IA de manière discrète, l’usage devient aujourd’hui assumé et même encouragé.
…mais les compétences IA à la traîne
Si l’adoption de l’IA progresse, les compétences ne suivent pas au même rythme.
Seuls 24 % des cadres ont déjà été formés à l’IA. C’est à peine un sur quatre, alors que 72 % déclarent vouloir bénéficier d’une formation dans l’avenir — un chiffre en hausse de 12 points en un an. Cette demande est encore plus forte chez ceux qui ont déjà été initiés : 82 % souhaitent approfondir leurs connaissances.
On observe ainsi une course de vitesse entre les usages et la montée en compétences, où les managers avancent souvent sans bagage suffisant pour accompagner leurs équipes.
Avis aux RH : il y a un besoin urgent d’aider les managers et de les accompagner sur leur montée en compétences sur les IA !
Opportunité ou menace ? Le basculement de perception des managers sur l’intelligence artificielle
Un autre enseignement fort de l’étude Apec réside dans l’évolution du regard porté par les cadres sur l’IA. En deux ans, la proportion de ceux qui voient ces outils comme une opportunité est passée de 22 % à 37 %. Parallèlement, la part de ceux qui considèrent l’IA comme une menace est tombée de 30 % à 22 %.
La tendance est similaire à l’international : 64 % des dirigeants interrogés par BCG estiment que l’IA doit être envisagée dans une logique de complémentarité entre humains et machines plutôt qu’en substitution. Ce repositionnement contribue à renforcer la vision d’une IA comme opportunité, une forte valeur ajoutée, et non comme menace, ce qui consolide le basculement observé par l’APEC.
L’IA permet aux organisations de se transformer en allégeant les opérations, en automatisant ou optimisant certaines tâches pour un gain de temps et d’efficacité et concentrer l’énergie humaine là où elle génère le plus de valeur et d’impact sur la performance.
Désormais, 42 % des cadres estiment que l’IA aura un impact fort sur leur métier (+11 points en un an), et 35 % pensent qu’elle transformera significativement leur propre poste (+10 points).
Cette lucidité traduit une prise de conscience : l’IA n’est pas un gadget, mais un facteur de mutation profonde des responsabilités managériales, des compétences attendues et de la manière de piloter la performance.
Pour les directions, cela signifie que la question n’est plus de savoir si l’IA transformera le management, mais comment.
Le rôle clé des managers : sécuriser et diffuser les pratiques sur les usages de l’IA
Dans ce contexte, les managers jouent un rôle clé et deviennent des acteurs stratégiques. Leur mission ne se limite pas à utiliser l’IA pour eux-mêmes : ils doivent guider et accompagner leurs équipes, rassurer sur les risques et intégrer l’IA dans une logique collective. Sans formation adaptée et sans volonté de l’entreprise, cette responsabilité devient difficile à assumer.
Les freins identifiés en matière d’adoption de l’IA sont multiples :
- Un manque de formation structurée, qui laisse les managers démunis face aux questions éthiques et opérationnelles et face à la prise de décision.
- Des outils parfois mal compris, l’IA générative étant utilisée comme un moteur de recherche alors qu’elle repose sur des logiques et algorithmes probabilistes.
- Une fracture générationnelle, certains collaborateurs plus jeunes adoptant massivement l’IA quand d’autres restent en retrait (risque de désengagement).
- Une performance encore trop individuelle, l’IA étant exploitée de façon isolée plutôt qu’inscrite dans des projets collectifs.
Le MIT souligne qu’à l’échelle mondiale, seuls 5 % des projets GenAI sur-mesure parviennent à passer du pilote à une mise en production effective. Ce « pilot-to-production chasm » traduit la difficulté des managers à transformer des expérimentations prometteuses en outils stables et productifs, faute de compétences et de cadre de déploiement.
Pour surmonter ces défis, les organisations doivent investir massivement dans des programmes de formation ciblée. Former les managers, ce n’est pas seulement transmettre des connaissances techniques, mais aussi clarifier les usages légitimes, lever les peurs et poser des garde-fous.
Former les managers à l’IA générative : un impératif stratégique pour transformer l’entreprise
La demande est claire et massive : près des trois quarts des cadres veulent être accompagnés et formés à l’IA. Mais pour gagner en efficacité, la formation devra répondre à trois exigences :
- Adaptation aux métiers : un manager en marketing, un DRH ou un directeur financier n’auront pas les mêmes besoins. Les programmes doivent être contextualisés et directement applicables.
- Dimension éthique et collective : au-delà de la maîtrise des outils, il s’agit de comprendre leurs limites, les biais possibles et les implications pour la gouvernance des données.
- Accompagnement continu : une formation ponctuelle ne suffit pas face à une technologie en évolution rapide. Les entreprises doivent accompagner les managers et collaborateurs et proposer des parcours d’apprentissage continus, intégrés aux pratiques managériales.
Pour Jean Baptiste Gouin, CEO de TalenCo :
« Seule une formation adaptée à votre métier permet aux équipes de passer à l’action, de maîtriser les outils et de les intégrer dans leurs missions quotidiennes ».
En investissant dans la montée en compétences, les organisations réduisent le risque d’une IA « subie » et donnent aux managers les moyens de mettre en lumière leur valeur ajoutée et d’en faire un levier de performance collective et de productivité.
BCG insiste sur le fait que la valeur créée par l’intelligence artificielle provient à 70 % des processus et des compétences humaines, contre seulement 30 % pour la technologie en elle-même. Former les managers et contextualiser la formation selon les métiers devient donc un levier stratégique majeur, rejoignant les attentes exprimées par les cadres français.
Cadres et IA : de l’expérimentation à la transformation managériale
L’étude de l’APEC met en lumière un double mouvement. D’un côté, l’IA progresse rapidement dans les entreprises, portée par une adoption croissante et assumée. De l’autre, les compétences et les cadres de référence peinent à suivre le rythme.
Les constats des études MIT et BCG rejoignent pleinement ceux de l’APEC : adoption rapide, risques liés au Shadow IA, mais surtout besoin massif de formation et d’encadrement. L’équation est universelle : l’IA ne sera un levier de performance collective que si les managers sont outillés pour sécuriser, diffuser et transformer les usages.
Pour les managers, l’équation est claire : l’IA représente une opportunité stratégique, mais elle exige formation, accompagnement et encadrement. Les entreprises qui sauront transformer cette demande en action concrète prendront une longueur d’avance, en inscrivant l’IA non pas comme un outil individuel, mais comme un vecteur de transformation collective du management.