L’entreprise du futur sera engagée ou ne sera… plus

L’entreprise du futur sera engagée ou ne sera… plus

Le 01 octobre 2020 - Par Cyrille Chaudoit

Le temps est à l’action ! Nous passons de l’ère de la promesse à celle de la preuve. Du paraître à l’être, à la “raison d’être” même… Et de l’âge du “dire” à l’âge de “faire”. Chacun.e est conscient.e de cette nécessité, poussée par l’opinion publique, mais le passage de la vision à l’exécution n’est pas encore une réalité pour tou.te.s.

Avec les regards croisés de Charles Kloboukoff (Président de Léa Nature), Cécile Ribour (Dir. Communication, MAIF) et Antoine Arnault (Dir. Communication, LVMH)

Un nouveau futur pour les entreprises ?

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis en lumière la nécessité d’agir qui s’impose aux entreprises et à leurs dirigeant.e.s. Agir ? Oui, pour le « bien commun ». Alors certes, pour la plupart d’entre eux, les dirigeants d’entreprise n’ont pas attendu d’être mis au pied du mur par l’opinion publique pour faire preuve d’une certaine éthique, personnelle et professionnelle. Ouf !

Mais à présent, la situation est différente, nouvelle. Parce qu’elle résulte d’une conjugaison de facteurs :

  1. d’une prise de conscience environnementale (d’autant plus pressante qu’elle se rend compte de son retard) de la part du consommateur-citoyen ;
  2. d’une défiance croissante envers nos institutions pour remédier à cet enjeu autant qu’à son pendant social (crise des gilets jaunes…) ;
  3. d’une crise sanitaire historique, cruellement révélatrice de la caducité d’un système qui aura poussé son idéologie à l’extrême.

La situation actuelle réclame une rupture. Avec le passé, avec les anciens modèles, les anciennes « recettes ». En cela, cette situation appelle un changement structurel d’une ampleur et d’une violence proche de celle que connurent ces mêmes entreprises, il y a peu encore, avec la transformation digitale…

L’action nécessaire à la transformation

Un changement violent ? Oui.

  • Parce que le changement attendu implique un peu plus que la rédaction d’une « raison d’être », comme outil de communication, comme la transformation digitale était plus profonde qu’un simple équipement technologique ;
  • Parce que le changement attendu implique une authenticité doublée d’une rapidité de mise en œuvre attendues au tournant par vos clients, comme la transformation digitale aura eu raison des beaux discours et autres promoteurs de gadgets en tous genres ;
  • Parce que le changement attendu ne vous engage pas seulement, en tant que dirigeants, sur votre impact positif sur la société (si déjà le sujet des externalités négatives était réglé…). Non, il vous engage aussi (surtout ?) par la confiance que le consommateur place en vous. Une confiance que l’on pourrait qualifier d’en « dernier recours », désormais davantage placée entre les mains de la puissance privée que dans les pouvoirs publics. Une confiance de la dernière chance pour « rectifier le tir ». Et je connais peu de chefs d’entreprise enclins à décevoir la confiance de leur clientèle… Surtout par les temps qui courent.

En janvier 2020 encore, le réputé Trust Barometer d’Edelman désignait l’entreprise comme « institution » à laquelle la population (moyenne mondiale !) accordait le plus sa confiance pour « faire ce qui est juste », devant le gouvernement (+4 pts) et au même niveau que les ONG.

Depuis, la crise du Covid-19 est passée par là, et pour la 1ère fois depuis des années, le pouvoir politique reprend des couleurs. Effet conjoncturel ? (vague de mai 2020)
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L’engagement au service de la confiance

Ainsi, d’après une étude récente du département Consumer Insights de Médiamétrie et révélée au Stratégies Summit 2020, « 86% des français voient les entreprises comme des « chevilles ouvrières », qui ont su adapter leurs productions au contexte, et 70% d’entre eux leur reconnaissent des valeurs qui leur sont chères. »

Cécile Ribour (© DR)

Une tendance que confirme Cécile Ribour, directrice de la communication de la MAIF : « Les clients font de plus en plus attention à ce qu’ils achètent. Faire le pari qu’ils préféreront les produits et services d’une entreprise qui leur ressemble et qui s’engage pour avoir un impact positif sur la société n’est pas illusoire. Cela génère aussi une plus grande fidélité à long terme ».

C’est encourageant : la RSE s’institutionnalise. Contrairement à la « raison d’être », elle n’est plus seulement un outil de communication mais bien un levier de transformation corporate, puisque des objectifs quantitatifs précis lui sont associés.

A propos de cette « raison d’être », selon un rapport du MEDEF (réalisé avec EY et Deloitte) sur la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière), 35% des entreprises examinées y font référence dans leurs communications officielles ou leurs publications concernant la performance extra-financière. Toutefois, seules 9% des entreprises sont allées au bout de la démarche, en inscrivant cette dernière dans leurs statuts.

Il y a donc quatre fois plus d’entreprises communiquant sur leur raison d’être que d’entreprises l’ayant réellement structurée !

Passer du storytelling au « storydoing »

Ce rapport disproportionné nous rappelle que le passage de la vision à l’exécution n’est pas encore aligné sur les attentes du consommateur que cette étude de l’IFOP (reprise par le ministère de l’Économie) entérine : 51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, 34 % pour ses clients, 12 % pour ses collaborateurs et 3 % pour ses actionnaires.

Pourtant, quand les entreprises s’engagent vraiment et le prouvent, leur utilité sociétale cristallise le lien de confiance, véritable capital de marque :

Antoine Arnault, Directeur de communication chez LVMH (© DR)

« Quand il y a des crises, des drames, comme l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, notre groupe a l’habitude d’agir (…) On a fait tout le gel hydroalcoolique que l’on pouvait (400 tonnes), nous avons livré des dizaines d’hôpitaux. Nos flacons sont devenus cultes : des dizaines d’infirmiers et de médecins ont pris des selfies avec notre gel pour nous remercier. »

Un facteur confiance dont les entreprises historiquement engagées pour l’environnement ont su faire leur pilier, au point de garder un coup d’avance, en la matière, sur celles qui n’en sont encore qu’à la proclamation d’une « raison d’être » encore trop souvent perceptible comme un peu trop « artificielle ».

Charles Kloboukoff, Président fondateur Léa Nature (© O. Blanchet)

« Comme nous qui avons pris exemple sur les pionniers du bio il y a 25 ans, nous voyons aujourd’hui les multinationales s’inspirer de nos actions. Cela va dans le bon sens. De toute façon, les consommateurs ne leur laissent pas le choix. Avoir une politique RSE n’est pas une option, cela doit être au centre de la stratégie d’une entreprise qui veut durer, quitte à sacrifier le ROI à court terme. À nous d’aller encore plus loin pour continuer à montrer l’exemple et garder un temps d’avance. »

Agir, donc… Car le futur ne peut s’envisager que dans l’action.
Tout comme l’engagement. Un tempérament plutôt courant chez les dirigeant.e.s d’entreprise. Le signe que l’espoir que la société civile place en eux est – aussi – une preuve de bon sens ?

Écrit par
Cyrille Chaudoit
Co-Founder & partner
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