« Vivement que ça revienne comme avant ! ». En cette période où nous voyons arriver la seconde vague de la Covid-19, qui ne rêve pas d’un retour à un contexte plus paisible ? Un contexte dans lequel nous n’entendrions plus parler de confinement, de taux d’incidence, de cas contact ; un retour à un contexte dans lequel nous ignorerions même l’existence du pangolin…
Si ce désir d’un retour « à la normale » est bien légitime et souhaitable, il y a cependant un certain risque pour nos entreprises à chercher à tout prix, à ce que tout redevienne comme avant. Tout simplement parce que l’environnement de nos entreprises ne reviendra pas comme avant !
Un nouveau cadre pour les entreprises
1/ La crise nous a propulsé dans l’ère digitale
Le confinement a été une prise de conscience, pour de nombreuses petites entreprises, du besoin de digitalisation. Nous n’en sommes pas encore au déploiement massif de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle ou de l’IOT. Cette digitalisation commence par le besoin d’une bonne connectivité, de matériel adéquat pour des salarié.e.s en télétravail, mais aussi de nouveaux outils de productivité, de visibilité en ligne et d’une offre en e-commerce. Heureuses sont les entreprises qui n’avaient pas pris de retard sur le sujet avant le confinement et qui disposaient déjà d’une belle présence.
2/ La crise a fait évoluer les comportements des consommateurs et des clients
Nourris par la nécessité d’outils digitaux lors du confinement, les usages des consommateur.trice.s ont largement évolué. Au sortir de la crise, une étude de Kameloon montrait que 22 % des consommateurs se déclarent nouvellement convertis au digital pour leurs actes de la vie quotidienne (courses, divertissements, lecture de la presse, téléconsultations médicales, etc.). Pour 60 % d’entre eux, l’expérience digitale proposée pendant le confinement aura un impact sur leur relation avec les marques (achats, engagement plus fort ou à l’inverse, éloignement et départ à la concurrence).
Il en va de même dans les relations en BtoB. La relation client se fait maintenant en visio. Pourquoi vouloir proposer à tout prix un rendez-vous physique à un client qui ne sait pas s’il sera sur site ou chez lui en télétravail ? Le confinement et le post confinement ont largement fait la preuve que la relation et les affaires peuvent continuer à distance, même si nous convenons que cela comporte quelques limites.
3/ La crise rebat les cartes de l’environnement concurrentiel
Hormis certains secteurs (transports, tourisme, culture…), il est étonnant de constater que sur un même domaine d’activité, la performance des entreprises est extrêmement variable. Certaines entreprises ont trouvé un levier de surperformance. Les gagnantes sont bien sûr celles qui ont fait preuve de résilience, d’agilité et de vélocité. Là encore, la digitalisation du business model a été un incontournable.
Si je prends le cas de TalenCo, de façon un peu caricaturale, notre business model était à 80% de mettre des gens dans une salle pour des ateliers de formation ou de facilitation. En quelques semaines, nous sommes passés à un business model à 80% distanciel. Puisque notre exercice s’est clôturé au 30 septembre 2020, je peux annoncer que notre croissance cette année sera de l’ordre de 20%.
Si la période est difficile pour un certain nombre de startups, certaines entreprises digitales ont considérablement accéléré leur développement et commencent à menacer des entreprises traditionnelles. Les lignes bougent sur tous les secteurs d’activité, de la restauration collective à la banque en passant par l’industrie.
4/ La crise a fait évoluer nos aspirations environnementales et sociétales
Bien sûr, la prise de conscience que nous sommes des êtres fragiles devant vivre en harmonie sur une planète bleue a été accentuée. Nous allons travailler en vélo électrique et aspirons à manger plus de bio. Néanmoins, espérons que la baisse du pouvoir d’achat ne vienne pas trop grever ces aspirations.
Dans l’environnement professionnel, l’expérience confinée a surtout fait naître le désir d’un nouveau bien-être au travail… ou plutôt chez soi. Chacun aura du mal à revenir au bureau s’il ne trouve pas une véritable valeur ajoutée qui compense le temps de transport, les joies des transports en commun ou le plaisir des bouchons.
Là encore, les managers sont en première ligne pour donner du sens, donner du lien et donner de l’envie.
Le top management à l’épreuve du monde d’après
Ce n’est donc pas en allant chercher dans les anciennes recettes (entre autres de management…) que nous allons répondre à ce nouveau cadre de réalité et à ces nouvelles aspirations. Ne perdons pas de temps à rechercher cet ancien monde devenu chimérique.
La sociologue américaine Carol Dweck décrit dans son livre « Mindset: The New Psychology of Success » deux types de profils : les « fix minded » qui considèrent que l’évolution de l’environnement entre dans ce qu’ils savent déjà (le diplôme, l’expérience) et les « growth minded » qui considèrent qu’ils doivent apprendre en continu.
En vérité, nous sommes passés à l’ère digitale et les effets d’expérience du monde d’avant n’auront pas le même impact. Dit autrement, seuls les « growth minded » seront les leaders de demain.
« Les analphabètes du XXIe siècle ne seront pas ceux qui ne savent ni lire ni écrire. Ce seront ceux qui ne savent pas apprendre, désapprendre et réapprendre. »
Alvin Toffler, écrivain, sociologue et futurologue américain (« Revolutionary Wealth« , 2006)
La crise nous a apporté l’opportunité de nous adapter et donc d’apprendre dans un grand nombre de domaines et sans doute sur nous-même. Cependant, dans le contexte d’incertitude économique actuel, nous voyons, au sein de nombreuses entreprises, le top management revenir à des systèmes de contrôles excessifs, là où la responsabilisation et l’autonomie avaient permis de passer le confinement.
Les anciens réflexes ont encore la vie dure, ce n’est absolument pas le moment de désapprendre ce que nous venons d’expérimenter. Ce n’est probablement pas non plus le moment d’une rupture entre le top management et les équipes. Pourtant, ce risque n’a sans doute jamais été aussi fort !