Ces patrons qui changent leur regard sur l’entreprise de demain

Ces patrons qui changent leur regard sur l’entreprise de demain

Le 17 septembre 2020 - Par Cyrille Chaudoit

Comment réconcilier performance économique, bien-être de ses équipes et responsabilité sociétale ? Si le bien-fondé de cette équation paraît évident aujourd’hui, rares sont encore les témoignages de dirigeants qui permettent d’une part d’en attester, et d’autre part de s’inspirer soi-même de leurs bonnes pratiques.

C’est pourquoi chaque quinzaine, nous allons les dénicher pour vous dans notre newsletter, et en proposons une synthèse que nous espérons éclairante. En croisant le regard de divers décideurs, nous souhaitons apporter, « petit pas » par « petit pas », la preuve concrète que l’impact positif des entreprises – tant sur le plan social qu’environnemental – est non seulement compatible avec sa profitabilité, mais en devient même une condition sine qua non.

La crise sanitaire, accélérateur de stratégie ?

On a beaucoup écrit à propos de la « transformation digitale » accélérée – pour ne pas dire à marche forcée – que nombre d’entreprises ont connue avec la crise du covid-19. Mais ce n’est pas tout… Cette situation inédite a aussi cristallisé de nouvelles convictions (émergentes jusque-là), les érigeant en véritables leviers d’un changement aussi structurel et stratégique que le fut le virage numérique. Je veux bien sûr parler de la RSE et de la prise en compte du bien-être des salarié.e.s.

Dominique Schelcher, PDG de Système U depuis 2018, est probablement l’un des patrons français les plus médiatisés durant cette crise. Et pour cause. Le secteur de la distribution a été en première ligne pour assurer la subsistance des consommateurs… mais aussi des producteurs !

Dominique Schelcher, PDG de Système U
Dominique Schelcher, PDG de Système U (© ESSCA)

Mais ce soutien aux filières locales aura également permis d’en éprouver la fiabilité, de nouer de nouveaux partenariats, et probablement de tester de nouveaux usages… Le tout dans un contexte où tous les distributeurs français avaient déjà amorcé leur virage « responsable » (circuits courts, bio, etc.) avant le covid-19, pour répondre aux nouvelles attentes du consommateur.

« On a tous redécouvert la chance d’avoir un approvisionnement français d’extrême qualité »
Dominique Schelcher à Décideurs Magazine

En ce sens, la solidarité exprimée envers les petits producteurs locaux en période de crise devient un facteur de performance sur le plus long terme, ce qui pousserait presque à voir la crise comme un accélérateur pour exécuter les bonnes idées stratégiques.

Réinventer le rôle de l’entreprise sans renoncer au profit

Christopher Miller, Head of Global Activism Strategy
Christopher Miller, Head of Activism Strategy chez Ben & Jerry (© DR)

C’est le cas du glacier Ben & Jerry’s, créé en 1978 et mu par une « mission sociale » dès 1988. Leur volonté d’origine, « user du pouvoir du business pour s’affronter aux problématiques socio-environnementales », a encore pris une autre dimension quand elle fut institutionnalisée par la création d’un département dédié et d’un poste d’activism manager.

Dirigé par Chris Miller, un ancien de Greenpeace, ce département met au service de causes « qui [leur] tiennent à cœur » une expertise en termes de communication, réseaux sociaux ou marketing.

Miller affirme ainsi ne pas réfléchir « à ce qui préoccupe leurs clients » mais aux « changements qu’ils souhaitent voir pour le futur ». Et tout part de l’interne ! Découvrez comment en lisant la suite sur Décideurs Magazine.

Une intégration des enjeux de société à échéance variable

Mais pour certains, la performance pourrait encore s’envisager à l’aune d’indicateurs plus classiques, entraînant des mesures « réflexes », héritées d’hier. Luca de Meo, patron de Renault, présentera en janvier 2021 un nouveau plan stratégique qui doit se focaliser sur la rentabilité du groupe, au détriment des volumes : « jusqu’en 2022, il faudra peut-être aller plus loin que prévu dans l’effort de réduction de nos coûts. Nous le ferons sans compromettre l’avenir », déclare-t-il.

Une rationalisation inévitable face aux 7,3 milliards d’euros perdus au premier semestre 2020, qui devrait amener à poursuivre « le redimensionnement de l’ingénierie et la réduction de l’offre au sein des gammes et des produits d’environ 30% ».

Pour autant, le cap envisagé par Luca de Meo ne semble pas exempt non plus d’une certaine intégration des enjeux de société, mais à plus long terme, propre au rythme industriel. A partir de 2026, il voit Renault comme une « entreprise d’avant-garde (…) réalisant 20 à 30% de son activité dans des domaines n’ayant rien à voir avec le secteur automobile traditionnel », énumérant notamment parmi ces derniers « l’économie circulaire [et] la gestion énergétique », et l’ambition de développer « une gamme de véhicules électriques emblématiques, rentables, à un prix d’entrée de moins de 20 000 euros, produits en France » (à lire sur l’Argus Pro).

Le bien-être au travail pour la performance économique

Les fonds d’investissement aussi s’intéressent désormais de près à la préservation du bien commun (à l’image de Blackrock) et même d’un mieux-être au travail, à l’image d’Ekkio Capital. Et un fonds d’investissement qui s’intéresse au bien-être au travail de PME… ce n’est forcément pas que pour la beauté du geste.

Ainsi, « travailler sur la qualité de vie au travail contribuera également à valoriser notre participation dans ces entreprises » pense Jean-Marc Scéo, président du fonds Ekkio Capital, convaincu que leur « démarche va améliorer la performance globale de ces entreprises ». La formule d’un engagement « gagnant-gagnant » en somme (à lire sur le Figaro)…

Une philosophie que partagent depuis longtemps les startups, et plus globalement les géants de la tech : ces stars du cool, habitués du label « great place to work » – avec campus ultra-équipés et Chief Happiness Officers chargés d’attirer et de fidéliser les meilleurs talents – ont déjà revu leur copie en prévoyant, pour la plupart, une installation durable du télétravail dans leur modèle.

Reed Hastings, CEO de Netflix
Reed Hastings, CEO de Netflix (© Twitter)

Pourtant, le patron de Netflix, Reed Hastings, dit ne voir aucun avantage au télétravail : « Je n’y vois rien de bon. On ne peut pas se voir en personne et c’est négatif pour le business ». Admettant toutefois que la semaine de cinq jours au bureau est probablement révolue, il estime qu’il faudra six mois entre la certification d’un vaccin et le retour des gens au bureau chez Netflix, « le temps que la majorité des salariés soit vaccinée » (à lire sur Les Numériques).

Car c’est aussi cela être dirigeant, surtout en ces temps troublés : préserver la performance globale de son entreprise en y intégrant RSE et bien-être au travail, mais surtout en préservant la sécurité des femmes et des hommes qui vous font confiance.

Écrit par
Cyrille Chaudoit
Co-Founder & partner
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