Le Reverse Mentoring réduit la fracture digitale

Le Reverse Mentoring réduit la fracture digitale

Le 29 mars 2016

[Management – Avril 2016 – Par Marie Lelong]

Beaucoup de grands groupes confient aux plus jeunes le soin d’initier les plus âgés aux subtilités du numérique. Mentors et mentorés se disent ravis.

 

Management_JBLe numérique a révolutionné les façons de communiquer. Si la génération Y, née avec les nouvelles technologies, n’a aucun problème avec ça, ce n’est pas le cas de tous les dirigeants et managers de plus de 40 ans. Pour réduire la fracture, de grands groupes comme Axa, Accenture, Danone ou Orange ont mis en place des programmes de reverse mentoring. Le principe ? Pendant quelques heures, un digital native prend un manager ou un dirigeant par la main et le guide dans la forêt touffue des nouveaux outils numériques. Bénéfices garantis à tous les étages de la pyramide des âges.

Transmettre les codes. Au delà de l’enjeu purement pédagogique, cette pratique vise à connecter les générations entre elles y compris celles qui ne sont pas si éloignées les unes des autres. « Même dans un groupe comme Accenture, où la moyenne d’âge est de 32 &ns, nous nous sommes aperçus que certains de nos dirigeants, tout en connaissant l’existence de ces outils, n’osaient pas se lancer par méconnaissance des codes. Le reverse mentoring est là pour les rendre plus compétents et plus autonomes », souligne Arnaud Babin, 27 ans, social media manager chez Accenture.

Ces nouveaux mentors de moins de 30 ans se retrouvent ainsi à enseigner à leur hiérarchie comment chercher ou relayer une information sur une plateforme communautaire, comment participer à une discussion, se positionner comme leader d’opinion, etc. Chez Axa France, où le programme de reverse mentoring touche déjà un millier de personnes (135 mentors pour 850 managers formés), l’enjeu est aussi de comprendre les tendances du secteur. Autrement dit, explique Nicolas Rolland, directeur culture, innovation et formation, « il faut permettre aux dirigeants d’expérimenter les outils dont se servent les clients afin de saisir ce que l’entreprise peut leur apporter sur ce terrain là ».

Ouverture partagée. Pour amener des managers à se projeter dans un monde inconnu, rien de tel qu’un accompagnement personnalisé, dans un esprit d’ouverture partagé. L’an dernier, Catherine Aragon, 59 ans, directrice supports chez Axa France, a été coachée par Pauline, 23 ans. « Entre cette jeune femme et moi, s’enthousiasme-t-elle, une relation intelligente s’est nouée : elle a pu se sentir immédiatement utile à l’entreprise tandis que, de mon côté, j’ai acquis en quelques heures des compétences que je n’avais pas. Aujourd’hui, je tweete tous les jours, je participe aux débats, je relaie les informations qui m’intéressent. Bref, je suis actrice de mon époque, je joue mon rôle de manager inspirant ».

Former les mentors. Pour que s’établisse cette « relation intelligente », les jeunes mentors doivent adopter la bonne posture. Axa leur propose une formation au cours de laquelle, en plus des thématiques numériques, sont abordées des questions de pédagogie. « Il s’agit d’apporter aux cadres une expertise valable et accessible, insiste Nicolas Rolland. C’est pourquoi nous encourageons nos mentors à raconter leur expérience numérique, à entrer en conversation avec les personnes qu’ils vont coacher, afin de bien comprendre et identifier leurs besoins ».

Suivi adapté. Car on ne s’adresse évidemment pas de la même façon à un individu qui sait à peine se servir d’un moteur de recherche qu’à un autre qui est présent sur les réseaux sociaux depuis plusieurs années. Généralement, le coaching se déroule donc en cinq ou six séances d’une heure ou deux, en face à face afin de permettre un suivi adapté. Axa a identifié trois types de demandes, de la formation pure et simple de débutants, au perfectionnement, pour celles et ceux qui veulent découvrir Instagram ou Snapchat, en passant par le développement, pour ceux qui sont déjà présents sur les réseaux sociaux mais qui n’exploitent pas pleinement leurs potentialités.

D’expert en expert. Les jeunes mentors retirent eux aussi un grand bénéfice de cette expérience. D’abord parce qu’ils prennent confiance en eux au contact des dirigeants, mais aussi parce qu’ils s’ouvrent sur l’entreprise. « Les échanges qu’on a avec chacun sont très variés, témoigne ainsi Arnaud Babin, d’Accenture, qui a de multiples coachings à son actif. On se retrouve en prise directe avec différents métiers et en cherchant à comprendre les besoins spécifiques de chacun, on enrichit considérablement la palette de ses connaissances. A une époque où on nous demande d’être multitâche, c’est un atout pour l’avenir ». Autrement dit, un rapport d’expert à expert s’établit, dans un dialogue d’égal à égal.

Déconnecter le savoir du pouvoir. Mais alors, que deviennent les rapports hiérarchiques ? « Grâce au reverse mentoring, c’est tout une vision du management qui évolue, souligne Jean Baptiste Gouin, fondateur du cabinet TalenCo, spécialisé dans la formation à l’impact du numérique; D’un mode coopératif, où une équipe se rassemble autour d’un projet, on passe à une culture collaborative où chacun s’approprie les outils et où les plus jeunes apportent clairement leur pierre à l’édifice commun. On accepte l’idée que le savoir n’est plus nécessairement l’apanage du pouvoir et on libère les forces créatrices de l’entreprise ».

D’ailleurs chez Accenture, on est déjà en train de placer de jeunes mentors dans chaque équipe. A croire qu’il n’y a pas mieux que le numérique pour rapprocher les gens sur le terrain…

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